Armes inoffensive mais frénétiques et retentissantes, à l’affût de tout promeneur qui aurait l’insolence de n’être pas masqué.
Pendant des siècles, paraît-il, et jusque vers le milieu du XIXe siècle, le balai complet (brosse et manche) était utilisé pour frapper
toute personne non déguisée venant au Carnaval à la manière
de la vessie de porc gonflée d'air que l'on a bien connue à Binche jusqu'au début des années 70. Cet accessoire de police du carnaval fut certaines années prohibé.
En effet, jadis, le Binchois en domino prenait plaisir à sanctionner le visiteur en pékin en l’assaillant à coups de vessie de porc.
L’usage des vessies est déjà attesté au cours du XIXe siècle, ainsi, à Binche en 1862 :
« Le domino si bien porté par les dames est affreux quand il est porté par les hommes qui ajoutent à cet inconvénient, celui de tenir au bout d’un bâton,
une vessie suspendue au moyen de laquelle on augmente, de beaucoup, le tapage »
En général se faire frapper par une vessie, se fait avec bonhomie, néanmoins, parfois, un incident se fait jour, tel en 1872 :
« …vers quatre heures, un domino ayant pris pour amusement de taper à bras raccourcis sur le chapeau du bourgmestre, celui-ci, après plusieurs observations amicales,
finit par conduire au poste le masque à la vessie peu respectueuse ; ce fut dans un haro général, et force fut, quelque temps après, de relâcher notre domino,
De même en 1877
« Les comparses obligés des Gilles sont des dominos de toute couleur, d’élégants pierrots et pierettes.
Ceux-ci sont, pour ainsi dire chargés de la police de la ville. Aussi se tiennent-ils massés à la gare à l’arrivée de chaque train ;
et malheur au pauvre voyageur qui n’est ni masqué, ni déguisé, car il doit passer sous leurs fourches caudines.
Et après que les vessies l’ont assourdi et aveuglé, et au moment où il croit pouvoir enfin respirer, il est inondé sous une pluie de son.
Les pierrots n’épargnent personne, ni dames, ni enfants, ni gendarmes !
Et c’est ainsi que par toute la ville on ne rencontre pas un homme qui ne soit masqué » le mardi gras »
Le Binchois, journal local catholique rapporte en 1892 :
« A Binche, on ne fait pas tapisserie. Pas de spectateurs si ce n’est les cloisons et les grillages qui blindent les fenêtres.
Tout le monde gambade…, jette des confettis et traque à coups de vessies les imprudents qui s’aventurent dans les rues sans être masqués…
Le carnaval de Binche comporte le masque obligatoire »
En 1896, le journal libéral La Constitution signale :
« Et l’on voit dans les airs des quantités de vessies s’agiter et retomber à coups redoublés sur le dos des malheureux
qui se sont aventurés dans cette galère sans avoir pris la précaution de revêtir un domino ou un autre déguisement… »
Le port de vessies est réglementé par la police, par exemple, l’ordonnance de police de 1938, autorise le commerce des vessies, il stipule :
Article 3 La vente de tout objet sur la voie publique est interdite. Exception faite pour les fleurs, les serpentins et les confettis, et, le mardi-gras, pour les vessies.
Le stationnement des marchands et l’installation des échoppes sur la voie publique sont interdits, sauf pour le commerce des vessies
Article 4. La vente et l’usage des lance-parfums sur la voie publique sont interdits
Article 7. Les vessies offertes en vente et celles dont il est fait usage sur la voie publique le mardi-gras, ne pourront pas être munies de manches ni dépasser,
dans leurs plus grandes dimensions, trente centimètres.
Elles ne pourront être coloriées et devront être gonflées, parfaitement séchées, et n’être munies que d’un lien de cinquante centimètres au plus, pour être tenues en main.
L’usage des vessies réunissant les conditions ci-dessus n’est toléré que sur des personnes non masquées ni travesties, et le 1er mars 1938 seulement de 9 à 17 heures.
Marchand de vessies en 1949
L’usage de la vessie était devenu dans les années 1960-1970, l’arme des étudiants dont les affrontements animaient la Grand-Place dans l’attente du rondeau,
le Mardi-gras après-midi.
Cet usage cessa vers 1970, après la disparition du dernier marchand de vessies habituellement installé le Mardi-gras à la rue de la Station.
Le dernier marchand de vessies, vers 1960
Les vessies, vues par Gérard Prévôt
« Un détail pourtant : ne débarquez pas à Binche ce jour-là sans vous être un peu déguisé. Cela se fera sans grands frais : un faux nez, un chapeau de papier, un pardessus
retourné, ce sera suffisant ! Cela pour éviter que des groupes de joyeux lurons armés de vessies – par ailleurs inoffensives – ne vous prennent pour un trouble-fête
surgi par erreur dans la ville de la joie »..